Comment le vieillissement de la population redessine le marché immobilier en France

Le vieillissement de la population : un bouleversement du marché immobilier français

Le marché immobilier en France subit une transformation en profondeur sous l’effet du vieillissement de la population. Le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus a considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Selon l’Insee, cette tranche d’âge représentait 13,8 % de la population en 1990 contre plus de 20 % en 2023. Et les projections tablent sur près de 30 % d’ici 2050.

Ce phénomène démographique, structurel et durable, redéfinit les besoins en logements, les modes de vie, mais aussi les attentes des acheteurs et investisseurs. L’immobilier résidentiel, les résidences seniors, les logements adaptés ou encore les mobilités intergénérationnelles deviennent des enjeux majeurs.

Une demande accrue pour les logements adaptés aux seniors

Les séniors aspirent de plus en plus à vieillir à domicile. Cela suppose des logements accessibles, sécurisés et souvent situés en centre-ville ou à proximité des commodités. Cette réalité alimente la demande pour :

  • Des appartements de plain-pied ou avec ascenseur
  • Des logements disposant de salles de bain équipées (barres d’appui, douches à l’italienne, etc.)
  • Des propriétés dans des zones bien desservies et calmes
  • Des solutions domotiques pour renforcer l’autonomie

La loi Élan (loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018) a introduit des obligations renforcées en matière de construction de logements inclusifs. À ce titre, une part significative des logements neufs doit être adaptables aux personnes à mobilité réduite, une disposition qui répond indirectement aux besoins du vieillissement.

L’émergence et la diversification des résidences seniors

Face à une population de retraités plus mobile, plus active et avec une espérance de vie plus longue, le secteur des résidences services seniors connaît un essor notable. Ces structures hybrides entre logements privatifs et services collectifs séduisent par leur offre équilibrée entre autonomie, sécurité et convivialité.

On distingue principalement trois grandes catégories :

  • Les résidences autonomie (ex-foyers-logements), à vocation sociale
  • Les résidences services classiques, souvent situées en centre-ville
  • Les résidences haut de gamme proposant restauration, conciergerie et animations

Pour les investisseurs, ces actifs immobiliers offrent des opportunités intéressantes, notamment grâce au régime de la location meublée (LMNP) et aux baux commerciaux sécurisants. De nombreuses enseignes comme Domitys, Les Jardins d’Arcadie ou Réside Études investissent ce marché en plein développement.

Recomposition du parc locatif et fluidité du marché

Le vieillissement impacte également la liquidité du marché immobilier résidentiel. Les propriétaires âgés, souvent installés dans de grandes maisons devenues peu fonctionnelles, hésitent à déménager. Ce manque de rotation freine la mise sur le marché de biens plus spacieux, accessibles à des familles avec enfants.

Pour favoriser cette fluidité, certaines collectivités locales encouragent le « déménagement volontaire » en proposant :

  • Des aides financières à la vente de biens sous-occupés
  • Des programmes de logements neufs adaptés à proximité
  • Des dispositifs de portage locatif

La loi Denormandie, prolongée jusqu’en 2023, visait déjà à revitaliser les centres anciens et à attirer toutes les générations, y compris les seniors, dans des logements rénovés au cœur des villes moyennes.

Pression sur les territoires et nouvelles polarités géographiques

Les seniors aspirent généralement à un cadre de vie paisible, mais connecté. Ce désir redessine la carte des territoires. On observe ainsi une attractivité croissante pour :

  • Les zones littorales et les villes moyennes (La Rochelle, Pau, Vannes, etc.)
  • Les périphéries bien desservies par les services de santé et les transports
  • Les départements ruraux dotés d’offres de santé solides et d’une bonne couverture numérique

En parallèle, certaines grandes métropoles voient leur proportion de jeunes grimper, accentuant le besoin de segmentation du parc immobilier. Les promoteurs et collectivités devront ajuster leur stratégie de planification urbaine pour concilier besoins des jeunes actifs et attentes des aînés.

Impact économique : transmission de patrimoine et investissement immobilier

Le vieillissement est également porteur de dynamiques économiques particulières. La transmission de patrimoine immobilier va s’intensifier dans les décennies à venir. Selon l’Insee, la France connaît la plus grande vague de succession depuis l’après-guerre, avec 250 milliards d’euros transmis chaque année, dont une large part en actifs immobiliers.

Les familles sont donc de plus en plus confrontées à des enjeux de gestion, de fiscalité et d’arbitrage. Faut-il vendre rapidement ? Faut-il conserver et louer ? De plus en plus de conseillers en gestion de patrimoine sont consultés pour ces situations. La fiscalité des donations, régie par le Code général des impôts (articles 757 et suivants), devient un levier stratégique indispensable à connaître pour optimiser les successions.

Une opportunité pour les investisseurs immobiliers avisés

L’évolution démographique représente un levier stratégique pour les investisseurs immobiliers. En anticipant les besoins spécifiques des seniors, les promoteurs, bailleurs privés et institutionnels peuvent adapter leur offre. Quelques pistes à fort potentiel :

  • Transformer des immeubles anciens en logements collectifs adaptés
  • Investir dans des résidences gérées sous régime loueur meublé non professionnel (LMNP)
  • Acquérir des biens proches des pôles médicaux et centres-ville
  • Participer à des projets intergénérationnels favorisant la mixité sociale

Des dispositifs fiscaux comme le Pinel, lorsqu’il est encore applicable, ou le Censi-Bouvard facilitent certains placements orientés vers ce public ciblé.

Une société appelée à repenser la ville

Au-delà de l’économie, c’est toute une réflexion sociétale qui s’impose. Comment faire de la France une « société de la longévité » ? Le Plan national Bien vieillir 2024-2030, annoncé par le gouvernement, ambitionne justement de mieux articuler logement, qualité de vie et autonomie. Les collectivités, urbanistes et opérateurs du logement sont ainsi invités à repenser :

  • Les formes urbaines : développer les écoquartiers intergénérationnels
  • Les logements en coliving seniors : une alternative émergente à explorer
  • La mobilité douce et l’accessibilité urbaine

Favoriser la cohabitation entre générations, mettre en valeur les petites villes, rompre l’isolement par le logement, tels seront les défis de demain pour un immobilier plus inclusif, résilient et durable.

Le vieillissement n’est pas qu’un défi, c’est aussi un moteur d’innovation pour le secteur immobilier. Observer ce phénomène avec lucidité permet d’anticiper les besoins de demain et de construire un marché plus équilibré, où chaque génération peut trouver sa juste place.