« Comment l’évolution du télétravail transforme le marché de la location en 2024 »

Quand le télétravail redéfinit les usages immobiliers

Depuis la crise sanitaire de 2020, une transformation silencieuse mais puissante a modifié durablement le rapport des Français à leur lieu de travail. Le télétravail, d’abord perçu comme une solution temporaire, s’est solidement installé dans les habitudes professionnelles. En 2024, cette évolution structurelle impacte directement le marché de la location immobilière, aussi bien en ville qu’en périphérie ou en zone rurale.

L’immobilier locatif doit désormais composer avec de nouvelles exigences : des espaces adaptés au travail à domicile, des localisations différentes, et un équilibre à trouver entre qualité de vie et accessibilité professionnelle. Cette mutation soulève de nombreuses questions pour les investisseurs, les propriétaires bailleurs, mais aussi les locataires en quête de flexibilité.

Des localisations qui évoluent : vers une décentralisation immobilière

Le premier bouleversement majeur observé est celui de la géographie de la demande locative. Alors que les grandes métropoles concentraient historiquement l’essentiel de l’attractivité locative, le télétravail a redistribué les cartes. Aujourd’hui, de nombreux locataires délaissent les centres-villes au profit de zones périphériques mieux dotées en espaces extérieurs, en superficie et bénéficiant d’un coût de la vie plus modéré.

Selon l’étude de l’Insee publiée en mars 2024, près de 32 % des actifs en France pratiquent le télétravail au moins deux jours par semaine. Ce chiffre était de 27 % en 2022. Cette part croissante incite une partie de la population à s’éloigner des grands centres urbains, favorisant une migration vers les villes moyennes ou les territoires ruraux bien desservis par les infrastructures numériques.

En conséquence, des villes comme Angers, Poitiers, Pau ou encore Besançon connaissent un regain d’intérêt, notamment auprès des jeunes actifs et des familles. Cette tendance a un impact direct sur les prix de la location : elles augmentent dans ces zones secondaires, tandis qu’elles tendent à se stabiliser, voire à régresser, dans certains quartiers historiquement tendus des grandes villes.

Le logement devient aussi un espace de travail

Avec l’ancrage du télétravail dans les pratiques professionnelles, les attentes en matière de logement évoluent. Les locataires cherchent désormais des biens offrant :

  • Une pièce supplémentaire pouvant être transformée en bureau, ou un espace dédié dans le séjour
  • Un bon niveau d’insonorisation
  • Une connexion internet fibre ou très haut débit
  • Un extérieur (balcon, jardin, terrasse) pour améliorer le confort de vie

Ces nouvelles exigences obligent les propriétaires à reconsidérer l’aménagement de leurs logements. Plus qu’un simple lieu d’habitation, le logement devient un outil de productivité. Certains bailleurs investissent désormais dans la rénovation partielle de leurs biens pour y intégrer un coin bureau optimisé, ou améliorent la connectivité (box internet incluse, abonnement partagé, etc.).

On voit également apparaître des annonces qui valorisent ouvertement l’adéquation du bien au télétravail : « parfait pour le télétravail », « fibre optique installée », « espace bureau calme » sont devenus des arguments commerciaux majeurs en 2024.

Co-living et hybridation des espaces de vie et de travail

Une autre conséquence directe de cette mutation est le développement du co-living ou de l’habitat partagé. Très en vogue chez les jeunes actifs, cette forme d’habitat séduit également les travailleurs indépendants et les freelances.

Le co-living propose des logements avec des espaces privatifs réduits mais hautement optimisés, accompagnés de larges espaces communs : cuisine, salon, salle de sport, coworking. Cette configuration attire ceux qui recherchent à la fois la flexibilité d’un bail locatif et la convivialité d’un espace collectif, tout en disposant d’un environnement favorable à la productivité.

Des plateformes comme Colonies, Chez Nestor ou encore Urban Campus tirent leur épingle du jeu en proposant des solutions clés en main, répondant aux besoins hybrides de cette nouvelle génération de locataires. Dans ce contexte, investir dans un logement destiné à cet usage devient une stratégie à envisager sérieusement pour les investisseurs immobiliers.

Un encadrement législatif à suivre de près

Dans ce contexte mouvant, le législateur tente d’adapter le cadre juridique. En matière de baux d’habitation (loi du 6 juillet 1989), rien n’interdit explicitement le télétravail depuis un logement, tant que ce dernier reste un usage d’habitation principale. Toutefois, certaines formes d’activités professionnelles peuvent être restreintes si elles entraînent des nuisances ou un afflux de public.

La loi ALUR, complétée par des évolutions jurisprudentielles, permet d’encadrer les locations mixtes (habitation/profession), notamment en copropriété. Si un locataire transforme une pièce en bureau, cela ne pose généralement aucun problème tant que l’usage du local ne devient pas exclusivement professionnel. Les propriétaires bailleurs doivent rester attentifs à cette frontière délicate.

Côté fiscalité, les règles relatives aux revenus fonciers (article 15 du Code général des impôts) continuent de s’appliquer normalement. Toutefois, certains propriétaires optent pour des locations meublées en co-living, relevant du régime BIC, potentiellement plus avantageux en termes de déductions fiscales.

Quels impacts pour les investisseurs immobiliers ?

L’évolution du télétravail est une opportunité pour les investisseurs, à condition de bien comprendre les nouvelles dynamiques du marché :

  • La demande locative se déplace : sortir des grandes métropoles peut être une stratégie rentable
  • Les critères de recherche changent : un logement adapté au télétravail trouve preneur plus rapidement
  • La prime aux logements connectés et bien aménagés est réelle
  • Le co-living offre des rendements locatifs élevés, mais nécessite une gestion professionnelle

Il devient déterminant d’intégrer ces nouvelles attentes dans sa stratégie d’investissement. La rentabilité ne repose plus seulement sur l’emplacement : elle dépend désormais de l’aptitude du bien à répondre à des usages variés (résidentiel, professionnel, communautaire).

Un marché en perpétuelle mutation

Le marché de la location en 2024 est profondément influencé par les nouvelles pratiques professionnelles. Le télétravail bouleverse les habitudes, redistribue les zones attractives, transforme les critères de recherche, et incite à repenser l’investissement immobilier. Pour les acteurs de l’immobilier comme pour les particuliers, l’adaptabilité devient clé. Comprendre ces évolutions et les anticiper permet non seulement de mieux investir, mais aussi de mieux vivre dans l’immobilier de demain.

Enfin, cette transformation est loin d’être achevée : plus que jamais, l’immobilier locatif doit s’adapter à des usages hybrides, flexibles et connectés. Le télétravail n’est pas une mode, c’est un levier structurel dont les effets continueront à façonner durablement le visage du logement en France dans les années à venir.